J'étais au téléphone avec mon petit frère tout en regardant la télévision. Celui-ci me racontait comment cela se passait à la chorale de gospel. J'étais tellement heureuse de savoir qu'il avait le même engouement que moi à l'époque où j'en faisais partie. Cela me manquait tellement! C'était une deuxième famille pour moi.
 Nous parlions depuis une bonne vingtaine de minutes déjà et c'est ma mère qui le força à lui passer le téléphone. Aussitôt elle me demanda si notre dernière conversation, à propos de mon manque de confiance envers toutes personnes, m'avait donné à réfléchir. Je lui répondais positivement mais ôter de lui parler de la confusion que cela m'avait donné. D'autant plus qu'à présent j'en venais à douter de mon orientation sexuelle après ma discussion avec Laura il y a quelques jours.
 << Maman, oui tout va bien pour moi tu n'as pas à t'inquiéter! Je ferais des efforts je te l'assure... Non je ne suis toujours pas prête à me lancer à nouveau dans une histoire d'amour. De toute manière je ne peux pas me le permettre! ... Mais parce que! Broadway c'est mon rêve et je ne dois pas me laisser distraire! ... Attends une seconde, on vient de frapper à ma porte. >> lui annonçais-je en entendant les coups contre ma porte. J'écartai le téléphone de mon oreille et me levai. Je n'attendais pas de visite. Peut-être était-ce le concierge ou encore April? Je rejoignis la porte d'entrée et l'ouvrit. La personne qui se tenait devant moi était un homme. L'homme que j'haïssais le plus au monde. Je lâchai mon portable qui retomba sur le sol.
 Lucas. Un prénom qui signifiait tellement de malheurs à mes yeux. Que faisait-il ici? Pourquoi était-il ici? Que voulait-il? Tellement de questions se bousculaient dans ma tête à cet instant précis. Je pensais qu'il avait abandonné l'idée de me reconquérir. Pourquoi voulait-il continuer à me faire du mal? Car il m'en avait fait. Plus que quiconque sur cette terre. Je ne voulais plus jamais le revoir et avoir à faire avec lui.
 Il n'avait pas changé. Il était toujours ce bel homme. Tout dans son apparence me plaisait et m'attirait bien malgré moi. Mais à présent, et heureusement, le sentiment de dégoût que j’éprouvais à son égard était plus puissant.
 J'adoptais immédiatement un regard haineux. Je n'allais certainement pas lui cacher se sentiment nouveau que j’éprouvais à son égard, la haine. J'allais lui montrer que grâce à lui, j'étais une femme beaucoup plus forte. Je n'étais plus vulnérable. La Lorell qu'il avait connu était très loin à présent.
 << Qu'est-ce que tu fiches ici? >> lui demandais-je sèchement.

 Du sucre. Il était venu pour du sucre. Je bouillonnais de l'intérieur. Je bouillonnais de rage. Après deux années sans le voir, il revient et me demande quoi? Du sucre. Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui?! Il me faisait marcher?! Il se moquait de moi encore une fois? Ce n'était pas étonnant. Il n'avait pas changé. Il ne changera jamais.
 Soudain je fis le lien. L'appartement d'en face était à présent occuper. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir le propriétaire à cause des mes dures journées de cours. Non. Ce n'est pas possible. Dites moi que c'est un rêve! Un cauchemar serait le mot exacte. Pourquoi s'acharnait-on sur moi?
 Tout ce qu'il trouvait à dire était du sucre. Comment me mettre plus en colère? Oui je l'avoue j'aurais espéré qu'il dise autre chose! Oui j'aurais aimé qu'il me dise qu'il était là pour me reconquérir. Pas que j'en ai envie, oh non! Mais parce qu'il aurait été plus facile de s'en prendre à lui. Que devais-je répondre à sa question maintenant?! Décidément, il n'est même pas doué pour commencer les disputes!
 Je me rendais alors compte que ma mère était toujours à l'autre bout du fil. Je posais mon regard sur mon portable et le repris sur le sol. << Et merde! >> m'exclamai-je lorsque je vis qu'il était cassé. Je reposai le regard sur Lucas. << Et moi je compte bien me faire rembourser! T'as intérêt à me le repayer je te préviens espèce de connard! >>. Je jetai mon portable contre le mur de ma cuisine derrière moi et il explosa en milles morceaux. Mais qu'est-ce qu'il m'arrivait?! Je n'avais jamais été aussi hors de moi de toute ma vie.
 << Après tout ce qu'il s'est passé. Après tout ce que tu m'as fait subir. Comment oses-tu revenir comme si de rien n'était ?! >> m'exclamai-je avec rage. Tellement de sentiments se bousculaient à l'intérieur de moi. La rage, le désespoir, la confusion et une grande tristesse. Tristesse que je tentais de combattre pour ne pas paraître vulnérable. Je serrais les poings tellement forts que mes ongles me lacéraient la peau.

Ce qu'il m'exaspérait. Pourtant je devais avouer que j'ai été brièvement perturbée par son speech. Il y avait une chose de changé chez lui... Un brin de sincérité je crois. Mais ne vous imaginez rien surtout. Il s'est juste amélioré en mensonge. Il était tellement risible. Comment voulait-il que je le crois? Ce n'était pas un discours différent de ceux de l'époque. Il se faisait déjà passer pour le prince charmant ayant bravé de nombreux obstacles pour sa belle. Tellement pathétique. La différence est que je ne le croyais plus. Même si, bien malgré moi, j'aurais aimé le croire. Je décidai de jouer à son jeu. << Wouaw >> dis-je d'un ton attendri avec un léger sourire. Merci au cours de théâtre de la NYADA! << C'est réellement ce que tu penses? >>  Pour finalement reprendre un air haineux : << Non mais sérieusement tu pensais que je croirais à ces salades? Ecoute moi bien. J'en ai fini avec toi et n'imagines même pas que je te pardonnerais un jour. Tu as gâché une partie de ma vie. Je t'en voudrais pour le reste de mes jours. Maintenant dégage ou je dis à tous les habitants de l'immeuble que tu es un pervers dangereux. Crois moi j'en serais capable. Le concierge ne mettra pas longtemps avant de te faire expulser. >> Oui oui. Croyez moi j'en serais capable. Après tout, on pouvait dire qu'il en était un.

 Je voulais lui demander pourquoi moi. Pourquoi moi et pas une autre. Plus aucune femme ne voulait de lui? Cela m'étonnerait. Lucas était très attirant et il savait en jouer. Alors pourquoi s'acharnait-il à me récupérer? Oui cela me mettait un doute. Et puis finalement je me convainquit que c'était un mensonge encore une fois. Par le plus grand hasard il devenait mon voisin, cela lui donnait l'occasion d'avoir une voisine qui assouvirait ses désirs.
Mais bien vite les doutes reprirent. Il me montra sa détermination. Mais cela n'apaisa en rien ma colère. Non. C'était le regard qu'il me jeta ensuite. C'était tellement troublant. Lorsque nous sortions ensemble, il y a deux ans, Lucas ne me regardait que très peu dans les yeux. Il semblait toujours ailleurs. Il ne m'accordait pas d'importance. C'était l'inverse d'aujourd'hui. Je me forçai à détourner le regard pour ne pas fondre. Voila que je redevenais vulnérable. Ce que je redoutais depuis tellement longtemps. Lorell, tiens bon.
 Ma colère s'était évanouie. Elle s'était apaisée du moins. La tristesse et la confusion étaient revenues en force dans mon esprit. Je fis tout mon possible pour combattre les larmes qui menaçaient de faire leur apparition mais échouai. J'essuyai rapidement une larme au coin de l’œil puis reposai mon regard sur Lucas. << Ne vois-tu pas que tu me fais souffrir rien que par ta présence? >> demandais-je calmement en tachant de ne pas paraître trop fébrile. Je continuais sur le même ton calme et faible : << Je ne ferais rien pour te faire expulser. Mais à la moindre erreur de ta part, le moindre faux pas, je ne me gênerais pas. Ne tente pas d'approches, rien du tout. Considère moi comme une simple voisine. >> Bien que je n'en avais pas envie. De plus, nous savions tous les deux que ce n'était pas possible. Et s'il ramenait des filles chez lui? Je ne le supporterais pas.

 Malgré tout ce que j'avais dit, il persistait. Il ne voulait pas abandonné et cela m'effrayait. C'est tellement dur de ne plus faire confiance à une personne tout en sachant que celle-ci pourrait très bien vous ensorceler pour obtenir ce qu'elle veut et vous faire souffrir par la même occasion. Donner ma confiance est un exercice très difficile. Très peu de personnes obtiennent ce privilège. Alors comment accorder sa confiance à l'homme par lequel tout à débuter?
 Je ne contrôlais plus mes larmes. Une à une elles s'écoulaient sur mes joues, lentement. << Pourquoi? Pourquoi tu fais ça? Pourquoi maintenant? Pourquoi moi et pas une autre? >> demandais-je difficilement.
 Comment allait-il se battre pour moi? Il aurait tout le mal du monde! Je n'étais jamais sûr de sa sincérité et cela me tuait. J'aurais tellement aimé garder cette image de femme forte. Celle que j'avais montrée quelques minutes plus tôt. Il savait à présent qu'il avait toujours de l'emprise sur moi. Et j'avais la réponse à une de mes questions. Je n'avais jamais réussi à l'oublier. Je n'avais jamais réussi à oublier mes sentiments à son égard.

 Alors que les larmes coulaient sur mes joues, Lucas s'approcha et en essuya une. Je repoussai immédiatement sa main avec une légère brusquerie. << Ne me touches pas s'il te plait. >> Je ne voulais pas qu'il me touche ne serait-ce qu'un instant. Cela ne faisait qu'augmenter la douleur.
 Je me connaissais. Je m'en voudrais pour avoir agi ainsi. N'avoir rien fait. Ne pas lui avoir fait regretter son retour. L'avoir laisser voir mes larmes, signe de faiblesse. J'allais m'en vouloir pour longtemps encore et la cohabitation serait des plus désagréables. Je n'oserais plus sortir de chez moi de peur de le croiser. A l'extérieur, je n'oserais plus rentrer chez moi sachant qu'il vivait dans l'appartement d'en face. Peut-être April et Kyle accepteraient-ils de m'héberger les jours où je ne me sentais pas le courage de rejoindre mon appartement. Combien de temps cela durerait-il? Je ne sais pas. Peut-être trouverais-je un autre appartement. Je pourrais toujours dormir à la NYADA. Cela serait toujours mieux.
 Il me demanda de lui faire confiance et de le laisser prouver sa sincérité. Je ne savais pas quoi penser. Regagner ma confiance était impossible pour lui, je pense. Je ne répondis pas et décidai de refermer la porte doucement. J'en avais assez de cette conversation. Mon silence laissa sa phrase en suspens. Ce n'était pas un non mais ce n'était pas un oui non plus. Je voulais simplement avoir la paix. Je voulais que rien de tout cela ne se soit produit pour de vrai. Une fois que la porte fut fermée je me réfugiai dans ma chambre bouleversée par ce qu'il venait de se produire. J'aimerais tellement que ce soit qu'un simple cauchemar.